Il était une fois quatre historiens (2 historiens et 2 historiennes pour être plus juste) qui avaient décidé d’aller voir en vrai ce qu’ils avaient l’habitude jusqu’alors de critiquer à distance. Parce que, dans une approche scientifique revendiquée par ces professionnels de l’histoire, le seul jugement critique ne peut suffire si on ne prend pas le temps d’inspecter les choses à la source. Et la source ici ce n’est pas un vieux compoix du XVIe siècle, un discours de parlementaire furieux ou une stèle romaine découverte aux portes du Sahara mais bien un parc d’attraction. Un lieu vivant donc, vanté dans les médias et actif sur le marché publicitaire, bénéficiant de nombreux soutiens dans la classe politique comme l’a montré récemment le coup de pouce de Rachida Dati pour que la visite au parc puisse relever des avantages du pass Culture. Un lieu où, par le beau, le grand, le spectaculaire, on entend apprendre enfin à ces Français réfractaires leur histoire nationale. Au cœur du bocage vendéen, le Puy du Fou attendait de pied ferme nos quatre aventuriers de la science.
Anonymes au milieu de la foule, ils et elles ont assisté aux spectacles, écouté les commentaires, noté les effets visuels déployés pour instruire et convaincre. Nos voyageurs de la science historique, comme la quasi-totalité des visiteurs du parc, en ont pris les yeux et les oreilles. Mais ils ont aussi été capables de pointer les petits arrangements avec ce qu’on sait des différents moments passés évoqués dans le parc, d’en saisir les sous-entendus idéologiques comme cette régulière menace que représenterait l’étranger ; Ce grand spectacle, quand bien même officiellement il ne serait que du pur divertissement sans prétention, est bien un élément de falsification insidieuse du passé, un passé qui se doit de correspondre à celui que porte en lui Philippe de Villiers tout comme ceux et celles qui émargent à l’extrême droite voire dans une droite qui a tendance à s’y fondre largement désormais. Il n’est donc pas surprenant de constater que, par petites touches ou de manière parfois plus frontale, les animations proposées exaltent le caractère immuable de la France, la grandeur de la monarchie, la base fondamentale constituée par la religion chrétienne. Cette « bataille culturelle » promue par Philippe de Villiers, et soutenue aujourd’hui par de grandes puissances d’argent, trouve au Puy du Fou sa plus vibrante vitrine à travers des animations grandioses allant du temps des Gaulois (qui sont bien sûr déjà des Français) au XXe siècle. Des animations mais pas que… Nos quatre inspecteurs se sont aussi plongés dans tout ce qui tourne autour des spectacles, les hôtels, les menus des restaurants, les produits dérivés et, là aussi, on est surpris de constater que c’est le même discours sous-jacent qui s’exprime.
Une enquête fort sérieuse et argumentée, bien évidemment descendue en flammes par les défenseurs du « roman national », sans doute un peu orientée aussi puisque nos enquêteurs avaient déjà leur idée en venant et ont pu surtout rechercher tout ce qui viendrait la confirmer… mais une enquête qui pose aussi beaucoup de questions dont une qui nous interpelle quand même de manière douloureuse : comment peut-on organiser des visites scolaires en un tel lieu de propagande ?
