
Des générations d’élèves ont appris, même sans le secours de la chanson d’Annie Cordy, que « 1515 c’est Marignan »… Mais ces enfants, victimes à distance comme bien d’autres de l’efficacité de la propagande royale de François Ier, connaissaient-ils le pendant négatif de cette victoire tant célébrée ? Sans doute que oui si on remonte vers les années où les cours d’histoire se résumaient à de longs récits événementiels mais, plus proche de nous, on peut être quasiment sûr qu’une infime partie des jeunes a entendu parler de la bataille de Pavie. Et pour cause ! Une défaite écrasante, la mort de la fine fleur de l’aristocratie combattante française, la capture du roi François Ier et le triomphe de son ennemi juré Charles Quint, cela ne fait partie de ces moments que le « roman national » tient particulièrement à honorer.
Pourtant lorsque les éditions Gallimard lancent la collection des 30 journées qui ont fait la France en 1959 c’est cette bataille de Pavie qui est retenue, la rédaction du volume étant confiée non à un historien mais au romancier provençal Jean Giono. Pendant plus d’un demi-siècle c’est cet ouvrage qui va faire figure de « référence » sur l’événement. Fort heureusement, avec l’approche du cinquième centenaire de la bataille, Julien Guinand s’est livré à une étude renouvelée de la bataille profitant notamment de travaux menés à l’étranger. L’ouvrage, qui bénéficie des nombreux atouts de la collection Champs de bataille (présentation soignée ; fascicule de cartes de localisation au centre du volume…), permet de réviser nombre d’affirmations jusqu’alors portées sur l’affrontement. Il replace celui-ci dans un contexte plus général depuis l’offensive de Charles de Bourbon, l’ancien connétable passé à Charles Quint, en Provence jusqu’à la réaction française qui a suivi et mène l’armée de François Ier devant Pavie pour un siège qui va durer 4 mois et sans lequel on ne comprend pas la bataille. Il établit que les deux armées voulaient la bataille (principalement parce que l’allongement des opérations militaires était lourd financièrement), que le rôle de l’artillerie dans son déroulement a été considérablement surestimé. Il fait aussi justice de cette idée que les chefs de l’armée française, à commencer par le roi François Ier, n’auraient eu en tête que des comportements chevaleresques dépassés qui auraient précipité la déroute. On connaissait jadis la phrase de François Ier informant de sa défaite ( » De toutes choses ne m`est demeuré que l`honneur et la vie sauve ») mais on en a fait une lecture renforçant le caractère inutilement téméraire du roi. L’exaltation du courage des combattants français n’est en fait, là aussi, qu’une œuvre de propagande destinée à « faire passer » une défaite dramatique.
Dans un dernier temps Julien Guinand présente les lourdes conséquences politiques et stratégiques de la défaite française qui scelle « l’échec italien de François Ier » (sous-titre du livre). L’objectif d’une possession du duché de Milan par la France s’éteint mais la lutte entre François Ier et Charles Quint va se poursuivre, le premier pouvant difficilement oublier l’humiliation d’une année d’emprisonnement et la signature d’un traité humiliant pour pouvoir regagner la France. La bataille de Pavie pose dans les faits les bases de la poursuite de la lutte entre le Valois-Angoulême et le Habsbourg.